Une révision de l'arrêté interministériel du 28 novembre 2003 relatif à l'application des produits phytosanitaires insecticides et acaricides est en cours. L'objectif du nouvel arrêté en projet est d'empêcher tout contact avec les produits pour les abeilles et autres insectes pollinisateurs.

 

La réglementation actuelle

L'arrêté du 28 novembre 2003 interdit tout traitement insecticide et acaricide lors de la floraison et durant la période de production d'exsudats. Il requiert d'employer les produits hors de la présence des abeilles. Or une recommandation de l'Anses précise que l'inactivité des abeilles ne peut être jugée que par l'absence de luminosité. Cette préconisation n'est basée sur aucun fondement scientifique, mais les viticulteurs, eux, devront s'adapter, alors que les fleurs de vigne ne sont même pas appétentes pour les abeilles. D'autant que l’efficacité des produits insecticides étant au minimum de plusieurs jours, il est fortement prévisible qu’une application, même nocturne, conserve son efficacité la journée suivante !


Les agriculteurs contraints à devenir une espèce nocturne

Le projet d'arrêté va donc beaucoup plus loin, l'épandage de produits ne pourra s'opérer que durant les 3 heures suivant le coucher du soleil. Les viticulteurs pourront traiter 2 heures avant le coucher du soleil car ils bénéficient d'une dérogation. Il faudra donc jongler entre cet arrêté et les arrêtés anti-bruits qui interdisent les travaux agricoles au delà de 22 heures. Ces 2 dispositions compliquent considérablement l'organisation des traitements, conduisant à des impasses techniques et pourront aller jusqu'à rendre les viticulteurs hors la loi.


Prenons un exemple concret 

Dans le cas d'une exploitation viticole de 33 ha dans la zone Cognac, soumise à des traitements obligatoires (conventionnel et biologique) contre la cicadelle, vecteur de la flavescence dorée. Il faudra effectuer les 3 traitements insecticides obligatoires entre juin et juillet.
Le 12 juin, jour du premier traitement, la préparation de la bouillie se fera en fin d'après-midi. Le coucher du soleil est à 21h53. D'après l'arrêté, le viticulteur n'aura la possibilité de travailler que de 19h53 à 00h53. Sauf que la réglementation lui interdit de faire du bruit après 22h. Il ne pourra donc traiter que de 19h53 à 22h00, soit pendant 2h00. Il ne pourra donc traiter que de 2 à 6 hectares selon la taille et l'éloignement des parcelles. Pour cette exploitation, en optimisant tous les temps de travaux, sans compter sur la météo pas toujours favorable, le nombre de jours nécessaire à la protection du vignoble sera au minimum de 6 jours. Or la fenêtre de traitement pour la flavescence dorée est de 7 jours. Il suffira d'un jour de pluie pour que cette exploitation ne puisse pas accomplir son obligation réglementaire.
Sachant que pour une exploitation morcelée, ce temps de traitement peut doubler mettant l'agriculteur dans l'incapacité d'accomplir le traitement obligatoire.
Pour une exploitation de 150 ha, il faudra au minimum 10 jours avec 3 appareils : il lui sera impossible de protéger son vignoble contre la cicadelle de la flavescence dorée alors que cette lutte est obligatoire sur la grande majorité du vignoble français.


La mise en danger des applicateurs !

Cet exemple montre clairement que les viticulteurs seront contraints à surdimensionner leurs outils de pulvérisation. Dans les vignobles à haute densité de plantation, les tracteurs utilisés sont des enjambeurs, dont la configuration et le centre de gravité plus élevé renforcent les risques d’accrochage et d’accident faute d’une visibilité suffisante. La qualité de la pulvérisation en serait aussi affectée. Ce dernier point n’est pas négligeable non plus, vu l'enjeu que représente en viticulture la lutte contre la flavescence dorée qui ravage le vignoble français.

 

 

Dans la même catégorie

Économie
Bourgogne Franche-Comté
Environnement
Prédateurs et nuisibles