Sept points, ajoutés aux trois représentés par la baisse des allocations familiales de janvier 2015, porteraient semble-t-il la charge sociale à 35 % au lieu de 45 %. Cette baisse deviendrait effective via un "décret" dont on ignore la date de publication… S’ajoute à cela une année blanche pour les situations les plus difficiles.

 

Quand nous sommes au bord du gouffre, et même en train d’y être précipité, toute branche de salut qui s’offre nous invite à la saisir. Pour nourrir la rivière qui nous portera vers des rivages salvateurs, tous les ruisseaux sont nécessaires.

"Des prix ?", tiens donc ! "Nous voulons des prix" entendons-nous ici et là. Enfin des voix qui s’élèvent pour réclamer l’essentiel de ce qui doit constituer le cœur d’une activité économique quelle qu'elle soit.
"Des prix, pas des primes !". N’avons-nous pas exprimé cela depuis belle lurette ? Et oui... même si cela fait mal d’avoir eu trop longtemps l’impression de prêcher dans le désert, cela fait aussi du bien de voir les consciences se rallier à ce qui aurait dû être le fil conducteur permanent du syndicalisme.

Mais pourquoi donc a-t-il fallu attendre que le désastre soit consommé pour qu’enfin la prise de conscience apparaisse ?

C’est une longue histoire. Et bien que nous soyons dans un pays qui, aujourd’hui, considère que parler d’histoire n’est pas de mode, il me semble qu’il ne faut jamais hésiter à affirmer que l’ignorance du vécu prive inévitablement des clés qui permettent de comprendre le présent et d’affronter l’avenir.

Quelques repères :

- Michel Debatisse, ancien président du CNJA sous la présidence du Général De Gaulle, disait à celui-ci, "Ce ne sont pas les prix qui nous importent, mais les structures d’exploitations". Il a été entendu puisque nous sommes toujours aujourd’hui sous la coupe des lois de 60 et 62 : SAFER, CDOA, et dans la continuité de cet esprit, la CDPENAF.

- Luc Guyot, ancien président de la FNSEA, a collaboré avec de nombreux responsables de la FNSEA dans le cadre du 10ème plan (1989-1992) à l’élaboration du rapport "L’agriculture face à son avenir" avec Lionel Stoléru, ministre du Plan de l’époque.
Combien d’agriculteurs ont lu ce rapport ? Ceux qui feront cet effort trouveront la genèse de la PAC telle que nous la vivons aujourd’hui, avec la mondialisation affirmée et ses prix dérisoires, assortis des fameuses "compensations" non seulement jamais réévaluées, mais aussi détournées de leur objet (du prix mondial vers la conditionnalité…) et appelées très improprement "primes".

- L’actuel Président de la FNSEA préside également "AVRIL", anciennement "Sofiprotéol". Une multinationale qui chapeaute tout un aréopage de sociétés, allant de la semence à Lesieur (huiles alimentaires) en passant par Sanders (aliments du bétail). Qui peut croire que l’intérêt de ces sociétés est d’acheter au prix fort les denrées agricoles dont elles ont besoin ? Tout au contraire la mondialisation les sert, donc la PAC et ses prix très bas.

Tout se tient.

Les prix sont tellement dérisoires qu’ils ne permettent même plus de retrouver à la récolte les fonds qui ont permis de la produire. La colère est légitime et, en prime, elle est comprise par l’opinion publique.

Pour sortir de cette impasse, il faudra de gré ou de force balayer fort pour bannir tous les conflits d’intérêts ou périr. Comment représenter une profession en assumant des présidences dont les intérêts nous sont contraires ?
S’il est aisé de comprendre le désespoir, comment comprendre une manifestation à la banque quand le président départemental de cette même banque est issu du même syndicat que les manifestants ? Même chose pour la MSA.

Quant au sort de chacun, laissons deviner les différences entre les comptes d’exploitation exsangues des uns et les "larges indemnités extra-agricoles des autres". Comme dirait un footballeur, "on ne joue pas dans la même division". Tout cela explique le décalage d’appréciation entre les tenants de "postes importants" et les autres…

Messieurs les agriculteurs, nous allons devoir choisir entre continuer avec les mêmes représentations mêlant agriculture et agrobusiness et disparaître, ou renverser la table en n'acceptant seulement des responsables qui nous ressemblent. Ceux qui partagent nos angoisses et la réalité de notre vie de chaque jour.

Jean-René Gouron
 

Pour information, les statuts de la Coordination Rurale interdisent le mélange des genres. Aucun haut responsable syndical ne peut être dirigeant d’une organisation économique liée à l’agriculture pour éviter les conflits d’intérêts.

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