Carte des cours d’eau : juridiquement non opposable, utilisable à titre indicatif

D’après la jurisprudence, trois critères cumulatifs (repris par l’article L.215-7-1 du code de l’environnement) doivent être retenus pour caractériser un cours d’eau au titre de la police de l’eau (règles d’entretien, aménagements soumis à déclaration ou autorisation), à savoir :
1. la présence et la permanence d’un lit naturel à l’origine ;
2. un débit suffisant une majeure partie de l’année ;
3. l’alimentation par une source.
S’il manque un des trois critères, l’écoulement ne peut être qualifié de cours d’eau : il est alors qualifié de fossé.

Suite à l’instruction de Ségolène Royal du 3 juin 2015 et au terme d’une laborieuse concertation, chaque département a donc établi sa propre carte. La Coordination Rurale a alors dénoncé le caractère non contradictoire des expertises de terrain (lorsqu’elles ont eu lieu), le propriétaire, le fermier et les syndicats n’étant pas toujours présents. Pour l’essentiel, la qualification en cours d’eau n’a été faite que sur la base du référentiel de l’IGN. Souvent, la présence réelle d’une source a prêté à discussion, l’Administration considérant les zones humides comme des sources. Enfin, des voies d’eau en attente d’expertise ont souvent été incluses dans la carte, le procédé portant ainsi atteinte aux droits des riverains.

Ces cartes sont souvent présentées par les DDT et l’Agence française pour la biodiversité comme étant la norme juridique devant être appliquée et respectée alors que Ségolène Royal, elle-même avait, admis qu’il ne s’agissait que d’un référentiel indicatif seulement destiné à sécuriser les riverains, mais que la preuve contraire pouvait être apportée à tout moment. présentent souvent comme norme juridique devant être appliquée et respectée alors que Ségolène Royal, elle-même, avait admis qu’il ne s’agissait que d’un référentiel indicatif, seulement destiné à sécuriser les riverains mais que la preuve contraire pouvait être apportée à tout moment. Cette ambiguïté a poussé certains agriculteurs à demander au Tribunal Administratif de faire procéder au « déclassement » de leur voie d’eau, parfois avec succès, le TA d’Orléans ayant par exemple reconnu que la carte a bien des conséquences sur la situation juridique des écoulements concernés et sur celle de leur propriétaire. Ainsi, le « classement » d’un fossé sur la carte « police de l’eau » peut être attaqué, même sans qu’un aménagement soit prévu sur l’écoulement litigieux. Face au refus de la DDT de donner suite à la demande de requalification du cours d’eau en fossé, il ne faut pas hésiter à recourir à une expertise indépendante (ANDHAR, ATMO…).

Entretien d’un cours d’eau : bien distinguer ce qui est « interdit » de ce qui est « à éviter »

Les DDT ont aussi reçu pour mission d’établir des chartes d’entretien des cours d’eau. Là encore (avec l’ONEMA), elles ont joué sur l’ambiguïté. Certaines d’entre elles exigent d’ailleurs que l’agriculteur remplisse un formulaire avant toute intervention sur la voie d’eau, même s’il s’agit d’un fossé, de manière à « le sécuriser et à prévenir toute mise en cause judiciaire ». Pourtant, en dehors des cas d’intervention soumis à la loi sur l’eau, pour l’entretien régulier par exemple, l’agriculteur n’a nullement besoin d’avertir la DDT.

Si l’entretien et les travaux sur un fossé sont complètement libres (mais destruction totale ou partielle et obstacle à l’écoulement interdits par l’article R216-13 du code de l’environnement), ceux d’un cours d’eau sont réglementés. Le riverain d’un cours d’eau a une obligation d’entretien régulier (art. L.215-14 du code de l’environnement).
Cet entretien régulier, qui ne doit pas modifier le profil d’équilibre du cours d’eau, consiste :
• à retirer les embâcles et débris, flottants ou non,
• à curer les atterrissements localisés,
• à entretenir la végétation (ripisylve) par élagage ou recépage (taille au ras du sol pour renouveler la ramure),
• à réaliser un faucardage localisé (fauche de la végétation aquatique, voir l’article R215-2 du code de l’environnement).

Au-delà de cet entretien régulier obligatoire, mais réalisé librement (c’est-à-dire, sans obligation d’en référer à la DDT), les travaux sont eux soumis soit à déclaration, soit à autorisation, auprès de la DDT.
Si le propriétaire ne s’acquitte pas de l’obligation d’entretien régulier, la commune, le groupement de communes ou le syndicat compétent, après une mise en demeure restée infructueuse, peut y pourvoir d’office à la charge de l’intéressé (article L215-16 du code de l’environnement).

Contrairement à ce que prétendent les plaquettes diffusées par les DDT, l’intervention mécanique dans le cours d’eau sans avis préalable est possible. Les DDT prennent ce parti pour éviter tout risque de contentieux avec les riverains. En fait, le curage est donc possible, mais uniquement pour retirer des atterrissements localisés (qu’un agent de la DDT vienne donc essayer d’enlever un atterrissement à la pelle !).

Mais attention, s’il s’agit de curer sur une portion plus longue du cours d’eau, il faut déposer un dossier à la DDT (rubriques 3.2.1.0. et 3.1.2.0. de l’article R214-1 du code de l’environnement). Si lors du curage (à l’exclusion de l’entretien régulier), le volume de sédiments extraits dépasse 2 000 m3, l’opération est soumise à autorisation préfectorale. Si ce volume est inférieur à 2 000 m3, l’opération est soumise à déclaration, à moins que le taux de certains éléments et composés (arsenic, chrome, mercure, plomb, etc.) retrouvés parmi ces sédiments ne dépasse les différents seuils prévus au niveau S1 fixé par arrêté, auquel cas une autorisation sera là aussi nécessaire.
Si lors du curage ou à l’occasion d’autres travaux (dits « Installations, ouvrages, travaux ou activités » ou « IOTA »), le profil en long ou en travers du lit est modifié sur une distance supérieure ou égale à 100 m, l’opération est soumise à autorisation préfectorale. Si la longueur de lit modifiée est inférieure à 100 m, l’opération est soumise à déclaration.

En fait, il ne faut pas confondre « pratique à éviter » et « pratique interdite ». Par exemple, si la coupe à blanc de la ripisylve est à éviter, elle n’est pas interdite. Le riverain ne pourra jamais être inquiété par l’ONEMA pour avoir coupé sa ripisylve à blanc. Cependant, il est préférable de conserver une ripisylve bien entretenue qui fera de l’ombre et empêchera la pousse de ligneux dans le lit du cours d’eau. Les guides d’entretien des cours d’eau, comme les chartes, doivent selon la CR s’en tenir à ce qui est prescrit par la loi (textes légaux à l’appui).

En cas de doute et pour prévenir tout contentieux, la DDT et l’ONEMA se disent disponibles pour répondre à nos questions et même se déplacer sur le terrain afin de voir comment l’entretien peut être mené. Mais cette façon de procéder peut être ressentie par certains agriculteurs comme attentatoire à leur liberté d’entreprendre. Le tout pour le riverain est alors de bien connaître ses droits et ses devoirs.

 

 

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