La Coordination Rurale a participé au colloque national organisé par la Fredon Pays-de-la-Loire, le 16 novembre, à Fontenay-le-Comte (85), sur les rongeurs aquatiques envahissants et s'est associée à la motion présentée par les organisateurs.

Après 40 ans de lutte, le ragondin et le rat musqué restent incontrôlables. A défaut de pouvoir les éradiquer, de nouvelles perspectives semblent offertes par les pièges connectés et un vaccin contraceptif.

Une introduction volontaire aux conséquences désastreuses pour l’agriculture !

Élevés au XIXe siècle pour leur fourrure, avec le soutien financier du ministère de l’Agriculture, de nombreux spécimens ont été relâchés dans la nature après la faillite de cette filière provoquée par la crise des années 1930.

Ces deux espèces envahissantes génèrent aujourd’hui de gros dégâts sur les berges des écoulements, dont ils provoquent l’écroulement. Cela envase les lits et favorise les inondations.

Le tourisme (sports et loisirs aquatiques) en pâtit également mais c’est l’agriculture qui paye le tribut le plus lourd :

  • animaux d’élevage contaminés par la leptospirose (qui provoque des avortements) ;
  • dégâts sur les cultures (les rongeurs mangent de tout !), chaque ragondin générant pour 30-35 € de dégâts au cours de sa vie de nuisible.

L’urine de rat est porteuse de leptospires, bactéries pathogènes, transmissibles à l’homme. Il s’agit d’ailleurs d’une maladie professionnelle (régime général et agricole). Les symptômes sont ceux de la grippe, d’où un diagnostic difficile (un vaccin existe).

Certains éleveurs ont donc clôturé leurs prairies et apportent l’eau sur les parcelles avec une tonne à eau. C’est très coûteux et contraignant mais cela limite les contaminations.

Les ragondins entretiennent aussi, par leurs déjections, la contamination des milieux en grande douve du foie, un ver parasite plat (trématode), qui colonise le foie des ruminants, en particulier des ovins.

Enfin, les déjections des rats sont porteuses de salmonelles.

La défense des zones humides est actuellement à la mode, en dépit des nombreuses maladies qui s’y développent. Les conditions humides favorisent la survie et la reproduction des agents pathogènes. Pas étonnant que l’homme ait voulu les assécher dans le passé !

La lutte collective et bénévole s’essouffle !

On ne sait pas quantifier la population de ragondin et son évolution, ce qui rend la lutte très difficile. La lutte collective par piégeage et par tir au fusil est pour le moment la seule solution. Pour mémoire, le ragondin et le rat musqué sont classés nuisibles de catégorie 1, sur l'ensemble du territoire, par arrêté ministériel (28 juin 2016). Ils peuvent être tirés et piégés toute l'année.

Ces derniers hivers, assez doux, ont avantagé le ragondin, qui craint le grand froid. En Pays-de-la-Loire, ce sont près de 300 000 captures de ragondins par an, 1 900 000 individus prélevés sur les 10 dernières années. En Loire-Atlantique, 69 000 ragondins piégés évitent plus de 2 millions d'euros de pertes agricoles.

Mais hélas, les piégeurs bénévoles commencent à s’essouffler et les volontaires se raréfient, en dépit d’une prime à la queue. Les financements publics dédiés à la lutte collective sont eux aussi très incertains (cartes rebattues par la loi NOTRe). Si le piégeage diminue, une augmentation des pertes agricoles à est craindre ! Les agences de l’eau et les conseils régionaux distribuent des millions pour refaire les berges alors que l’on manque de financement pour « gérer » le ragondin !

Certains estiment qu’il ne sera pas possible d’éradiquer le ragondin, même si cela est souhaitable. La Grande-Bretagne a elle réussi à l’éliminer mais les populations étaient infiniment moindres que celles que nous avons maintenant en France.

Ragondin des villes / ragondin des champs

En off, certains participants évoquent l’hostilité des écologistes qui ne comprennent pas qu'on lutte contre les rats. Certains sabotent même les pièges ou relâchent les individus capturés. Certains piégeurs en témoignent. En outre, des promeneurs inconscients ou mal informés les nourrissent ! Il y a en milieu urbain une société de plus en plus zoophile et « véganiste », qui n’accepte pas la mise à mort d’animaux, même nuisibles, explique un sociologue (Olivier Sigaut). L’écologie politique et dogmatique fait des ravages. D’ailleurs, sur 350 participants, aucun représentant d’association ni aucun représentant de l’administration n’est présent dans la salle ! Il fait remarquer au passage qu’Alain Juppé est très mal conseillé par la Sepanso Aquitaine, association écologiste, celle-là même qui dénonce les agriculteurs curant leurs fossés !

Pourtant, les rongeurs nuisibles provoquent d’importants dégâts sur les écosystèmes. En surconsommant la végétation, le ragondin rend les mares turbides : il pénalise le brochet et impacte négativement la reproduction d’amphibiens. Il dérange les nids des oiseaux aquatiques et répand une plante invasive, la Jussie rampante, en la consommant, soit un bel exemple de synergie entre espèces invasives.

Le piégeage va-t-il se professionnaliser ?

Bayer (l’un des partenaires financiers du colloque) est intervenu pour expliquer le marché de la 3D (désinfection, désinsectisation, dératisation) aux États-Unis, le nouveau business du « wildlife control » étant en plein boom. Un piégeage se tarife en moyenne 320-450 € et l’on compte 1 million de piégeages par an. Le piégeage aux USA se professionnalise. Verrons-nous la même tendance en France ?

De nouvelles technologies de surveillance des pièges à distance se développent. Bayer reconnaît que la lutte chimique est dans l’impasse (la bromadiolone est interdite pour le ragondin). Bayer proposera bientôt sur le marché européen une solution de géolocalisation de pièges connectés (smartphone), avec appâts de grande longévité (10 jours), les carottes et bouts de pomme se détériorant trop vite. Il y a actuellement un projet pilote d’expérimentation entre la firme et la Fredon/FDGedon Pays-de-la-Loire à ce sujet.

Un vaccin contraceptif ?

Corinne Martins, de la Fredon Auvergne, explique l’expérimentation menée d’un vaccin contraceptif pour le campagnol terrestre, et qui pourrait être étendu au ragondin.

Le professeur Joël Drevet, de l’Université Blaise-Pascal Clermont II, travaille sur l’immunocontraception (antigène spermatique immunogénique), administré par appât plutôt que par injection. Les résultats semblent probants, avec possibilité de vacciner les femelles et les mâles. Mais la prudence est de mise car aucun risque ne doit peser sur d’autres espèces (le surmulot serait touché) et l’Homme en particulier. Enfin, une autorisation de mise sur le marché (AMM) devra être demandée pour ce vaccin.

Indemnisation des pertes par le FMSE ?

Joël Limouzin, président du FMSE, a présenté son organisme et les programmes d’indemnisation campagnols (pertes fourragères et coûts de la lutte obligatoire). Pour le ragondin, si des arrêtés préfectoraux de lutte obligatoire sont pris, le FMSE pourra proposer un programme d’indemnisation.

Pour aller de l’avant, une motion, signée par la CR

Les organisateurs ont rédigé une motion à l’attention des responsables politiques, reprenant l’état des lieux dressé par ce colloque, et demandant, entre autres, le classement du ragondin et du rat musqué par le futur décret d’application de la loi 2016-41 (loi de modernisation de notre système de santé), et le classement du rat musqué dans les espèces exotiques envahissantes (EEE, règlement d'exécution 2016/1141 de la Commission, du 13 juillet 2016).

Le président de la CR, Bernard Lannes, a souhaité associer notre syndicat à cette démarche.

Texte complet de la motion signée par la CR

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