La Coordination Rurale se désespère du zèle avec lequel la Commission européenne sacrifie son élevage.

Alors qu’elle poursuit ses négociations pour conclure des accords de libre-échange avec l’Amérique latine et l’Océanie, voilà qu’elle se déclare prête à offrir un cadeau supplémentaire au troisième exportateur mondial de viande : les États-Unis.

Retour en arrière

Pour comprendre ce qui se trame dans les couloirs de Bruxelles, un saut de 20 ans dans le passé s’impose :

En 1998, en pleine crise de la vache folle, l’Union européenne décide d’interdire les importations de viande issues d’animaux traités aux hormones. Les États-Unis sont le pays le plus touché. En représailles, ils lancent l’année suivante un embargo sur une soixantaine de produits agricoles européens à haute valeur ajoutée, comme le Roquefort.

Après dix ans de négociations, les deux partenaires trouvent un accord : en 2009, les États-Unis lèvent leurs sanctions en échange de l’ouverture par l’UE du panel « Hormone ». Il s’agit d’un contingent de 48 200 tonnes sans droits de douane de viandes de haute qualité, garanties sans hormones. Ce contingent est cependant progressivement ouvert à d’autres pays : la Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, l’Argentine et l’Uruguay. Plus compétitifs que les Américains, l’Australie, l’Argentine et l’Uruguay finissent par accaparer la quasi totalité du contingent.

Depuis plusieurs mois, les tensions commerciales avec les États-Unis ont connu un regain d’intensité avec les menaces de Donald Trump de taxer les importations américaines d’acier, d’aluminium et d’automobiles. Afin de ménager le président américain, la Commission européenne a donc pris l’initiative de réserver une part substantielle du panel « Hormone » aux États-Unis, soit environ 35 000 tonnes sur les 48 000 tonnes du contingent total.

Une stratégie perverse pour l’élevage

La Commission européenne présente cette initiative comme une manière de régler une bonne fois pour toute le différent qui oppose l’Europe et les États-Unis sur la viande bovine depuis 20 ans. Elle assure en outre qu’il n’y aura aucune conséquence pour les éleveurs européens, puisque le contingent global du panel « Hormone » ne sera pas augmenté. Il s’agit simplement d’en réserver la majorité pour les États-Unis.

En réalité, la démarche de la Commission s’avère totalement perverse pour l’élevage européen. En effet, les principaux utilisateurs du panel « Hormone », à savoir l’Australie, l’Argentine et l’Uruguay, pourront sans problèmes contester la décision de l’UE auprès de l’Organisation mondiale du commerce, qui interdit de favoriser une nation au détriment des autres. Ces trois pays pourraient toutefois s’abstenir de déposer une plainte à l’OMC, à condition que l’UE accepte d’inclure les volumes perdus dans le accords bilatéraux actuellement en discussion.

Par un jeu de vases communicants, c’est donc une augmentation nette des importations de viande que propose la Commission !

NB : encadrement des importations européenne de viande bovine

Les importations de viande bovine en Europe sont actuellement encadrées par plusieurs contingents validés par l’OMC :

  • Le contingent « OMC viande congelée » : 54 875 tonnes, 20 % de droits de douane. Ouvert à tous les pays, règle du premier arrivé, premier servi. Utilisé à 100 %, principalement utilisé par le Brésil.
  • Contingent « OMC viande congelée pour transformation » : 63 705 tonnes, 20 % de droits de douane. Pratiquement pas utilisé.
  • Le contingent « Hilton » : 67 000 tonnes, 20 % de droits de douane, partagé de la manière suivante :
    • 7 150 tonnes pour l’Australie
    • 1 300 tonnes pour la Nouvelle-Zélande
    • 46 870 tonnes pour le Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay)
    • 11 500 tonnes pour le couple États-Unis/Canada

Ce contingent est utilisé à 75 %.

  • Le contingent « Hormone » : 48 200 tonnes, pas de droits de douanes. Règle du premier arrivé, premier servi. Utilisé à 100 % principalement par l’Australie et l’Argentine. C’est ce contingent que la Commission souhaite réserver en majorité aux États-Unis, alors que c’est interdit par les règle de l’OMC.
  • Accord bilatéral avec le Canada : 50 000 tonnes, pas de droits de douanes.
 

Accords bilatéraux en cours de négociations :

  • Mexique : 20 000 tonnes
  • Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) : entre 70 et 130 000 tonnes, 7,5 % de droits de douanes
  • Australie et Nouvelle-Zélande, volumes et droits de douane encore inconnus.

Les participants à ces négociations pourraient profiter de la proposition de la Commission européenne aux États-Unis pour réclamer des volumes supplémentaires, sans quoi ils porteront plainte auprès de l’OMC.

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