Un rapide coup d’œil dans le rétroviseur laisse à penser que si l'Union européenne voulait supprimer  les éleveurs de bovin viande du paysage agricole, elle ne s'y prendrait pas autrement. La section Viande de la CR revient sur quelques épiques épisodes qui ont fortement grevé le revenu des éleveurs, dont le dernier en date, l'autosatisfaction de Phil Hogan suite à la publication d'un rapport sur l'impact des accords de libre-échange sur les productions agricoles.

Épisode 1 : Découplage et convergence aveugle

La production de viande bovine bénéficiait dans les PAC précédentes d'aides directes, telles que la PSBM et la PAB. Au fil des réformes, ces aides ont été découplées et intégrées aux DPU. Ainsi, les DPU des éleveurs, pour certains, ont été artificiellement augmentés au regard des aides surfaciques. La convergence, aveugle et sans protection pour cette production fragile, a fortement diminué les aides découplées de nombreux éleveurs. Ces aides, dans le contexte économique de la filière, sont bien souvent supérieures au revenu des éleveurs.

Épisode 2 : Dérégulation et limitation de la production laitière

Durant la période des quotas, les évolutions du cheptel laitier étaient généralement faibles, induisant un nombre de réformes relativement stable et donc un approvisionnement régulier du marché de la viande bovine. L'abandon des quotas a livré les producteurs à un libéralisme total avec des "à-coups" de production, des pics de réformes et par suite, une amplification de l'instabilité et de la baisse du marché de la viande bovine. Face à la crise laitière, Bruxelles a mis en place un plan de réduction volontaire de la production (voir notre article à ce sujet). Si ce plan n'a pas les effets escomptés sur le prix du lait, il est très efficace pour pénaliser une nouvelle fois les éleveurs allaitants. De plus, le carcan sur les surfaces en prairie imposé par Bruxelles ne laisse que très peu de solutions pour d'une part, aux éleveurs laitiers qui se reconvertissent en viande et d'autre part aux éleveurs allaitants pour adapter leur exploitation afin de retrouver du revenu.

Épisode 3 : Sacrifier le bœuf pour faire accepter le libéralisme

La Commission européenne avait commandé en début d'année un rapport sur les impacts des accords de libre-échange sur les productions agricoles. Bonne initiative, mais encore aurait-il fallu attendre sa publication avant de s'empresser de signer la Ceta... Il n'est cependant pas évident que ce rapport ait eu un quelconque impact sur la volonté de l'UE d'aller jusqu'au bout des négociations en cours (Canada, États-Unis, Mercosur...). En effet, Phil Hogan estime que « les effets des accords commerciaux sur le secteur agricole sont globalement positifs ». C'est le « globalement » qui est important car ces accords sacrifient les producteurs de viande rouge et de riz, dans une moindre mesure. Pour la section Viande de la CR, ils ne peuvent donc en aucun cas être considérés comme positifs car ils conduiront à une baisse de la production de viande bovine de 0,5 à 1 % et surtout à une baisse des prix à la production de 8 à 16 % selon différentes hypothèses du rapport. Les dirigeants européens veulent se montrer rassurant en mentionnant des volumes d'importation limités dans les secteurs sensibles au regard de la production européenne. Ils s'obstinent à comparer ce qui n'est pas comparable. Dans le cas de la viande bovine,  les importations seront composées de pièces "nobles"  qui entrent en concurrence directe avec les morceaux permettant de "valoriser" une carcasse entière. L'enthousiasme de Phil Hogan suite à la publication du rapport constitue une nouvelle preuve d'une volonté d'achever l'élevage allaitant en UE. Si Bruxelles veut que, dans les prochaines années, la production de viande bovine soit uniquement assurée par le cheptel laitier, il ne faut pas s'y prendre autrement !

Dans la même catégorie

Porcs
Viande
Alimentation
Élevage