Les dépérissement du vignoble sont un fléau qui met en cause à moyen terme l'ensemble de la filière viticole française. Toutes les régions françaises sont conscientes de l'enjeu. Un séminaire organisé le 22 juillet par le CNIV faisait le point sur ce problème majeur.


La définition du dépérissement est la suivante : baisse pluriannuelle subie du rendement du cep et/ou mort prématurée du cep, brutale ou progressive.
Pendant longtemps, la recherche a pensé 1 maladie = 1 remède. Aujourd'hui cela ne suffit plus : les causes des dépérissements sont multiples et nous sommes face à une double impasse scientifique et professionnelle.

L'agence choisie, le BIPE, a mené un travail d'investigation pour identifier les facteurs susceptibles de contribuer aux dépérissements. Après avoir inventorié les facteurs susceptibles d'engendrer des dépérissement ou d'y être liés, ils ont constitué et analysé un fonds documentaire scientifique et technique sur ces facteurs. Pas moins de 72 facteurs ont été identifiés, et pour chacun un fiche de synthèse a été réalisée. Ils ne se sont pas concentrés sur chaque facteur mais ont cherché une vision d'ensemble consolidée sur les facteurs liés les plus récurrents. Le climat, les pratiques culturales, les cahiers des charges / la règlementation, les ressources humaines, la sensibilité variétales sont les grandes catégories classifiées.
Ils ont constaté que rendement et longévité sont deux faces d'une même pièce, et que si les facteurs influant sur le rendement avaient largement été étudiés, très peu d'éléments apparaissent sur la longévité (à part un peu de prophylaxie). Si la recherche a identifié les impacts des pathogènes et ravageurs sur le rendement, par contre les connaissances sont moins répandues sur l'impact de la parcelle, du sol, de l'eau et sont fragmentaires pour le climat, la sensibilité variétale, la physiologie, la méthode de greffe...

Du côté de l'analyse du vignoble, elle n'est pas fantastique...
En 10 ans, la France a perdu 23% de ses vignes-mères : un manque certain de matériel végétal est diagnostiqué.
En 40 ans, la France a perdu 37% de son vignoble (baisse des rouges, augmentation des blancs) et 33% de sa production de vin (-50% rouges, +7% blancs, -9% cognac).
A partir de 2008, l'écart entre la récolte potentielle (surface*rendement) et la récolte réelle se creuse de plus en plus : cet écart peut être directement imputé aux dépérissements. Cela représente en 2014 un manque à gagner de 4,6 hl/ha soit 2,1 à 3,4 millions hl ou 900 millions à 1 milliard € par an. Si la tendance se poursuit, en 2020 le manque à produire sera de 9 hl/ha soit 2 milliards € (à prix du vin constant).
Pour calculer le coût réel du dépérissement, il conviendrait de rajouter à ce manque à gagner les impacts directs économiques.

Le BIPE a recherché les liens d'influence entre les 72 facteurs identifiés. Après analyse, il en ressort que le rendement et la longévité sont des variables relais, qui subissent des impacts multiples et des effets rétroactifs, liés au matériel végétal, aux pratiques culturales et au système biologique.

Ils ont déterminé 3 axes d'actions possibles pour limiter les dépérissements du vignoble :

  1. limiter et contenir les facteurs qui influent négativement sur le rendement et la longévité
  2. actionner ceux qui jouent positivement sur le rendement et la longévité
  3. arbitrer et trouver le bon équilibre entre rendement et longévité lorsqu'ils ne vont pas dans le même sens

Concernant ces éléments qui semble de bon sens, l'équipe a relevé les carences en connaissance scientifiques. De nouvelles approches de la recherche, pluridisciplinaires, sont essentielles pour permettre de cibler correctement des facteurs clefs, pour aller vers un dispositif global de lutte contre les dépérissements.

Un parallèle avec d'autres dépérissements sur l'oranger (Brésil, USA), le pêcher (USA, Corée du Sud) et le chêne (France, Europe) a été réalisé.

Un plan d'action a été proposé, qui a été entériné à la fin du séminaire (les 6 axes ne sont pas hiérarchisés) :

1- mettre en oeuvre un dispositif d'observatoire de la vigne national (voire européen), ce qui est un prérequis pour une gestion de crise
2- mettre en place une meilleure gestion collective des risques et des crises
3- gérer l'approvisionnement du matériel végétal, en qualité et en quantité, au coeur de l'outil de production
     - garantir un approvisionnement en qualité et quantité
     - vignes-mères
4- le viticulteur est un acteur clef de la lutte contre les dépérissements du vignoble
     - intégrer la longévité dans la conduite de la vigne
     - maintenir un bon niveau de technicité des opérateurs
     - anticiper et gérer les risques et les crises : le viticulteur acteur
5- la recherche, partie prenante de la lutte contre les dépérissements du vignoble
     - une recherche viticole finalisée
     - question de l'approche de recherches adaptées aux dépérissements
     - des champs de recherche à approfondir, croiser ou ré-ouvrir pour éclairer les dépérissements du vignoble
  - quels moyens et quels dispositifs ? vers un programme hiérarchisé de recherche ?
6- créer une instance de dialogue des besoins de recherche au sein de la filière et avec la recherche
     - pilotage des besoins de recherche transverses de la filière
     - veille prospective des enjeux émergents
     - mise en oeuvre des besoins de recherche propres à la filière

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