Interview

Michel Legrand était l'invité de la CR 28 lors de son assemblée générale, le jeudi 17 janvier. L'occasion d'échanger avec lui sur le fonctionnement de la Chambre CR du Calvados.

 

Michel Legrand, vous êtes Président de la Chambre d’Agriculture du Calvados, une des deux chambres administrées par la Coordination Rurale, l’autre étant celle du Lot-et-Garonne.

Quelles sont les missions d’une Chambre d’Agriculture ?

Michel Legrand : La Chambre d’Agriculture a une double mission.

Mission consultative : elle est le porte-parole des intérêts du monde agricole et rural, auprès des services de l’Etat et des collectivités territoriales. Mission d’intervention : elle a un rôle d’expertise, de conseil, de formation, de recherche et développement, auprès des actifs agricoles et au sein des territoires.

Quels sont les critères de bonne gouvernance d’une Chambre d’Agriculture ?

Michel Legrand : Selon moi, le premier principe est la NEUTRALITÉ syndicale. Il en découle une ÉGALITÉ D’ACCÈS à tous les services. La Chambre doit travailler pour tous les agriculteurs, quelle que soit leur sensibilité (CR, Conf’, FDSEA, non-syndiqué). De plus, la TRANSPARENCE (décisions, gestion financière) est évidemment essentielle. La CR est à la tête de la Chambre du Calvados depuis 1995. Quels changements avez-vous effectué à votre arrivée ? Michel Legrand : Nous avons simplement tenu nos engagements de campagne. Un service juridique de base gratuit pour tous a été instauré. Nous avons assaini les finances et stoppé le financement accordé aux syndicats FDSEA et JA : 550 000 francs à l’époque. Cet argent a été réorienté sur la création d’un bulletin mensuel d’information diffusé gratuitement à tous les agriculteurs du Calvados.

Nous nous sommes astreints à une gestion financière rigoureuse et nous avons toujours veillé à maîtriser les dépenses de la Chambre.

Mais surtout, nous avons demandé à nos salariés d’aller rencontrer les agriculteurs sur le terrain, dans les fermes, pour faire le point sur leurs besoins, leur expliquer ce qu’est la Chambre, à quoi elle sert et quels sont les services proposés. Cette stratégie a payé puisque la moitié des agriculteurs du Calvados font appel aux services de la Chambre et sont adhérents aux groupes de développement (GDA). En Eure-et-Loir, les salariés de la Chambre ont récemment manifesté pour obtenir de meilleures conditions de travail. Comment les élus CR gèrent-ils le relationnel avec le personnel de la Chambre ? Michel Legrand : Les relations avec nos collaborateurs sont excellentes. Lorsque le travail d’une Chambre est mal fait, ce ne sont pas les salariés qu’il faut mettre en cause (sauf cas particulier). Les premiers responsables sont les élus qui n’ont pas su impulser le bon dynamisme à leur équipe. Nos élus et nos salariés se retrouvent en séminaire de travail 2 jours par an pour tisser des liens plus étroits et définir ensemble les orientations. Nous formons notre personnel en permanence pour élargir leurs compétences et améliorer leurs performances. Tout cela s’avère payant car nos collaborateurs sont très motivés et se sentent vraiment au service des agriculteurs. Quelles relations avez-vous avec les élus de la minorité FDSEA-JA et Conf’ ? Michel Legrand : La Chambre ne doit jamais tomber sous la coupe du monopole syndical. Il faut toute la profession autour de la table. Il n’y a que comme ça qu’on avance. Un exemple : la Chambre a récupéré la gestion du Point Info Installation (PII) mais nous avons nommé un JA président du Comité d’Orientation. Nous dialoguons avec tous les syndicats et il est normal qu’il y ait des contre-pouvoirs. Le monopole syndical est pourtant la règle dans la plupart des chambres d’agriculture. En Eure-et-Loir, le président s’est par exemple toujours opposé à ce que la CR fasse partie du Comité Installation Transmission. Michel Legrand : C’est regrettable car lorsque la démocratie s’exerce, l’intérêt des agriculteurs est mieux défendu. La Chambre du Calvados a fait parler d’elle, le 6 juin dernier, en votant un avis défavorable au renouvellement du droit de préemption de la SAFER. Pouvez-vous nous en dire davantage ? Michel Legrand : La Chambre s’est en effet opposée à ce renouvellement. Le vote a eu lieu à bulletin secret : 21 voix contre sur 26 votes au total. Il ne s’agit que d’un avis consultatif mais cela a démontré le vrai malaise ressenti par les agriculteurs par rapport à la SAFER. Si elle est un outil indispensable, beaucoup d’agriculteurs pensent qu’elle se comporte trop comme une agence immobilière. Quels sont les grands combats menés par la Chambre sous votre mandature ? Michel Legrand : En principe, la Chambre ne fait pas de syndicalisme. Mais cela ne nous empêche pas de nous positionner sur des grands sujets et de prendre la défense des agriculteurs. C’est le cas pour la contractualisation. La Chambre a conseillé aux éleveurs laitiers de ne pas signer prématurément les contrats proposés par les laiteries. Tout le monde sait que pour gagner sa vie, un éleveur laitier doit se faire payer son lait à 380-400 € /1000 l. En tant que Président de la Chambre, j’ai personnellement soutenu les éleveurs faisant la Grève du Lait. Autre exemple, les périmètres de protection de captages. Aux cotés de « captages 14 », la Chambre a bataillé pour obtenir une indemnité pérenne pour les agriculteurs subissant des contraintes pérennes sur les périmètres. Les agriculteurs ont fait la grève d’épandage des boues de station d’épuration. Après un bras de fer avec l’Agence Régionale de Santé (ARS) et l’Agence de l’Eau, nous avons obtenu une indemnité sur 10 ans reconductible. Cette indemnité est calculée au cas par cas, en fonction des données économiques de chaque exploitation. La Chambre du Calvados a aussi créé, en partenariat avec la FDSEA et les JA, un comité interlocuteur des collectivités pour tout ce qui concerne les ouvrages et infrastructures routières. La profession est ainsi systématiquement consultée, de manière à ce que la circulation des engins agricoles ne soit pas gênée. La FNSEA axe son programme sur la compétitivité, la restructuration des exploitations et l’intégration aux filières agro-alimentaires. L’agrandissement et les prix bas sont-ils vraiment la solution ? Michel Legrand : Notre chambre travaille beaucoup sur les coûts de production et il est avéré que les grosses exploitations laitières ne dégagent pas forcément plus de revenu. Il est évident qu’une politique agricole basée sur des prix rémunérateurs apporterait la stabilité nécessaire au maintien du nombre d’exploitations et favoriserait l’installation. C’est tout le sens du combat de la Coordination Rurale depuis 1992. Mais pour un changement radical de politique agricole, il faudrait que la CR soit majoritaire à l’Assemblée Permanente des Chambres d’Agriculture (APCA). Michel Legrand : À l’enjeu local s’ajoute l’enjeu national. À l’APCA, il n’y a pour le moment que 2 chambres CR (Lot-et-Garonne et Calvados). A l’issue de ces élections, nous espérons bien sûr être rejoints par d’autres chambres, afin de pouvoir défendre certains dossiers au niveau national, dans l’intérêt de tous les agriculteurs.

Propos recueillis par J. Jacquez

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