Le 16 mai 2024, une trentaine d’agriculteurs se sont réunis à l’occasion de l’assemblée générale de la Coordination Rurale de l’Indre. Ce rassemblement a été marqué par une atmosphère de frustration et de mécontentement général vis-à-vis de la Politique Agricole Commune (PAC) et du projet de la Loi d’orientation Agricole (LOA).

Dans l’après-midi précédant l’assemblée, les agriculteurs ont accompagné un éleveur de bovins lors d’un contrôle mené par l’Agence de Services et de Paiements (ASP). Cette présence solidaire visait à soutenir leur confrère face à une inspection perçue comme une énième illustration des contraintes administratives pesant sur le secteur quand les agriculteurs attendent toujours le versement des aides promises. Le décalage entre les contrôles continus et le retard des paiements contribue à leur exaspération. Cette situation est d’autant plus tendue que les nouvelles législations en vigueur, principalement le statut de l’agriculteur actif, cette année ont entraîné une réduction significative du nombre de dossiers déposés pour les aides PAC : dans le département de l’Indre, cela représente  600 dossiers en moins par rapport à l’année précédente.

En plus de ces préoccupations, les agriculteurs ont également exprimé leur mécontentement concernant le projet d’un futur Parc Naturel Régional Boischaut Sud. La Coordination Rurale de l’Indre s’est associée avec le Syndicat de la Propriété Privée, le Syndicat des Propriétaires Forestiers, la Fédération des Chasseurs, les Amis des Moulins et les Pisciculteurs, pour défendre notre territoire et le laisser aux mains des acteurs de la ruralité que constituent ses différentes parties, tout en renforçant les structures déjà existantes et opérationnelles. Stop au millefeuille administratif, stop aux charges financières supplémentaires pour les communes et stop à la réglementation toujours plus complexe.

Les agriculteurs de l’Indre ont l’exemple du Parc Naturel Régional de la Brenne qui n’a pas apporté à l’agriculture, les bénéfices attendus. Le constat est amer : ils ne vivent pas mieux et observent un ensauvagement des territoires sans les aides promises.

La Coordination Rurale de l’Indre déplore que la chambre d’agriculture soutienne officiellement ce projet par crainte d’être exclue, si le projet venait à se concrétiser sans son appui.

 

Amélie Rebière, éleveuse de bovins et membre du comité directeur de la Coordination Rurale, a pris la parole pour exprimer son point de vue sur la récente Loi d’Orientation Agricole. Elle a représenté la CR Nationale lors des auditions au sénat et au parlement. Ce texte législatif, débattu pendant quinze jours avec plus de 1000 amendements, a suscité de nombreuses réactions dans le milieu agricole.

Amélie Rebière a tout d’abord critiqué la définition de la souveraineté alimentaire telle qu’elle est présentée dans la loi. « La souveraineté alimentaire est définie à l’échelle européenne et non française, favorisant ainsi les traités internationaux, » a-t-elle expliqué. Elle a ensuite ajouté : « Notre président Macron raisonne à l’échelle européenne et sacrifie les agriculteurs français pour ces traités. »

En ce qui concerne la décapitalisation du cheptel, elle a souligné l’absence de moyens de pression pour garantir un prix de vente équitable pour les éleveurs. Elle a également abordé la problématique du manque de jeunes attirés par le secteur agricole, souvent en raison d’un prétendu déficit de qualifications. « L’État met en place un bachelor, mais quand on sait qu’un agriculteur n’arrive pas à dégager un revenu, qui voudrait le devenir ?, » a-t-elle interrogé, soulignant le paradoxe entre les efforts de formation et les réalités économiques du métier.

Amélie Rebière a également critiqué les initiatives de l’État visant à encourager les stages des jeunes dans les exploitations agricoles, comparant ces efforts à une simple activité touristique : « L’État encourage les stages des jeunes dans les exploitations comme ‘Martine à la ferme’. »

Elle a également exprimé son désaccord avec la mise en place du service « France Services Agriculture », jugeant cette initiative redondante avec le point info déjà fonctionnel. « Pourquoi créer un nouveau service alors que l’existant fonctionne ?, » s’est-elle interrogée.

Enfin, elle a dénoncé le concept de Groupement Foncier Agricole d’Investissement (GFAI), le qualifiant d’aberration. Selon elle, ce dispositif encouragerait les coopératives, les compagnies d’assurance et les agro-industriels à accéder plus facilement au foncier agricole, au détriment des agriculteurs individuels.

Michel Le Pape a pris la parole pour aborder un sujet brûlant d’actualité : l’agrivoltaïsme. Ce concept, qui combine agriculture et production d’énergie solaire, suscite des débats passionnés parmi les agriculteurs.

Le Pape a rappelé que chaque année, 33 000 hectares disparaissent de l’agriculture en France, et 54 000 hectares sont artificialisés.

La législation concernant l’agrivoltaïsme a évolué avec une loi votée le 10 mars 2023, qui encourage la création de sociétés indépendantes pour chaque projet agrivoltaïque. Cependant, cet intervenant a mis en lumière plusieurs défis, notamment le problème de raccordement au réseau électrique. « Il n’y a que trois fabricants de composants à l’échelle mondiale, » a-t-il précisé, ce qui peut entraîner des délais de réalisation considérables, parfois jusqu’à dix ans, en cas de conditions suspensives.

L’objectif de la France est ambitieux : atteindre un parc agrivoltaïque de 100 000 hectares. Néanmoins, Michel Le Pape a mis en garde contre les erreurs du passé en évoquant ce qu’il appelle le « syndrome éolien ». « On ne va pas mettre chez les ploucs et envahir le paysage, » a-t-il affirmé, soulignant le risque de saturation et l’importance de respecter l’environnement rural. « Quand on vit dans un environnement, on doit le respecter, » a-t-il ajouté.

Il a également insisté sur la nécessité d’une répartition équitable des revenus générés par les projets agrivoltaïques entre les propriétaires fonciers et les exploitants agricoles. Cette juste répartition est essentielle pour garantir que les bénéfices de l’agrivoltaïsme soient partagés de manière équitable et soutiennent réellement le secteur agricole.

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